Actualités
Grand entretien avec… Isabelle Lefort, co-fondatrice et directrice de l’association Paris Good Fashion
« Nous voulons penser et agir ensemble pour une mode durable »
Fondée en 2019 pour faire de Paris LA capitale de la mode durable et accélérer la transition environnementale, l’association vient tout juste d’organiser son premier Mid Summer Camp. L’occasion de partager connaissances et bonnes pratiques et réfléchir, ensemble, au demain du secteur. Le point avec Isabelle Lefort, à l’initiative de l’événement.
Vous venez d’organiser votre premier Mid Summer Camp, destiné à réunir des acteurs impliqués dans la transition écologique du secteur. Quelle était l’ambition de cet événement ?
Il y a tout juste 6 ans, nous avons créé Paris Good Fashion pour faire de Paris LA capitale de la mode durable. Depuis, nous n’avons cessé de relever ce défi mais il reste beaucoup à faire alors que le dérèglement climatique est plus manifeste que jamais. Face à cette urgence, il nous a semblé indispensable de réunir l’ensemble des acteurs avec une conviction. Pour mener des actions communes, il faut partager connaissances et expériences, penser ensemble le futur que nous voulons donner à la mode.
Premier temps fort de l’événement, un état des lieux des avancées en matière de transition écologique, mais aussi des défis qu’il reste à relever…
Depuis 2019, il y a indéniablement eu d'énormes progrès. Les acteurs de la mode échangent désormais sur ces sujets et mènent des combats ensemble, notamment face aux effets dévastateurs de l’ultra-fast fashion ; lutte pour laquelle l’UFIMH a été en première ligne. En revanche, nous sommes dans un contexte qui s’est durci. Les sujets se sont complexifiés et nous devons faire face à un moment de backlash des thèmes écologiques, alors qu'il est capital d'accélérer pour des raisons environnementales, mais aussi économiques. Si nous ne voulons pas nous fermer le marché chinois qui, lui-même, s’empare de ces thématiques, il faut absolument accélérer la transition en termes d'éco-conception, de traçabilité, de réduction de l'impact de production… C’est toute l’ambiguïté de la Chine. Des marques comme Shein s’y développent. Dans le même temps, le pays entend appliquer, à la lettre, une réglementation proche de la législation européenne d’ici 2027. Les entreprises qui ne seront pas alignées risquent de perdre ce marché.
Vous avez ensuite dévoilé le résultat d’une étude autour de la décarbonation. Pouvez-vous nous la présenter ?
Nous travaillons depuis deux ans sur le sujet et venons de présenter une trajectoire inédite. Elle a tout d'abord été réalisée avec l’appui de 25 entreprises (chiffre jamais atteint) qui ont accepté de communiquer leurs résultats. Le sujet a ensuite été abordé par segments (luxe, premium, mass market) alors que toutes les trajectoires sont aujourd’hui pensées de façon globale, ce qui gomme les différences pourtant importantes entre ces segments.
Partant de cette analyse, vous avez également énoncé différents leviers d’action…
Nous avons établi une trajectoire à 2030 alignée sur l'accord de Paris et la volonté de ne pas dépasser 1,5°de hausse de température. Grâce à cette étude, on sait que le luxe devrait réduire de 1% ses volumes de vente pour être en phase avec l’objectif, le premium rester sur une même trajectoire et le mass baisser drastiquement. Partant de ces constats, nous allons travailler collectivement sur la traçabilité, l'identification et l'implication des sous-traitants, la réduction de l'impact de la production. Nous nous concentrerons aussi sur les liens finance-RSE, parce qu'il faut à la fois réduire l'impact environnemental et augmenter la performance des entreprises. Enfin, nous prévoyons l’organisation d’une seconde consultation citoyenne lancée dès la rentrée (après celle de 2020) car on ne pourra réussir que si on implique les consommateurs.
Cet événement proposait également des conférences avec de jeunes créateurs, très investis…
Nous avons en effet imaginé un atelier avec Nathalie Dufour, fondatrice et directrice de l'ANDAM qui s’est entourée de jeunes créateurs pour qu’ils puissent partager leurs bonnes pratiques. L’occasion aussi de rappeler que la mode est une industrie créative et que les designers doivent être impliqués dans cette transition écologique. Les entreprises ont trop longtemps travaillé en silo, à l’écart des créateurs. Nous l’avons vu lors de cet atelier, la question du développement durable fait désormais partie intégrante de leurs préoccupations, et de leur démarche créative.
Vous avez pensé ce Mid Summer Camp comme un rendez-vous pérenne, une sorte de GIEC de la mode. Comment envisagez-vous la suite ?
Nous sommes tout d’abord très satisfaits de la participation à l’événement. 250 personnes étaient présentes pour la journée professionnelle, plus de 300 lors de la journée grand public. Pour une première fois, c'est très prometteur. Nous allons prévoir la seconde édition autour du 10 juillet 2026. Nous nous calons ainsi sur le dernier jour de la Fashion Week parisienne que nous pourrions accompagner par un événement dans ce lieu extraordinaire qu’est le Domaine de Chaalis. Un symbole du patrimoine environnemental et culturel, impliqué lui aussi dans les questions de durabilité et de biodiversité. Un lieu d’une grande beauté et très inspirant, idéal pour partager nos expériences, et faire émerger de nouvelles idées.
Pour en savoir plus: https://parisgoodfashion.fr/fr/
UFIMH & Transition écologique : les trois axes clés de notre engagement
Impliquée de façon pionnière autour des sujets RSE, l’UFIMH participe à accélérer la transition écologique en menant de multiples actions de lobbying auprès des pouvoirs publics mais aussi une politique de sensibilisation des acteurs de la filière.
Le point avec Adeline Dargent, déléguée générale du Syndicat de Paris de la Mode Féminine.
Dix ans ou presque… L’UFIMH, associée à la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin, s’est impliquée dès 2017 autour des questions de développement durable en publiant la première grande étude sur le sujet pour le secteur de l’habillement. Depuis 2019, elle édite avec celle-ci et la Fédération de la Maille, de la Lingerie et du Balnéaire des guides à l’attention des acteurs de la filière – ouvrages rédigés avec un collectif d’entreprises membres de l’UFIMH, adossé à un cabinet spécialisé. « Après un premier opus autour des approvisionnements responsables, nous avons lancé deux ouvrages sur les sujets d’éco-conception et de communication responsables à mettre en place pour valoriser les initiatives, précise Adeline Dargent. Toujours conçues de façon pratique, ces publications réunissent des informations générales mais aussi des outils directement utilisables pour permettre aux entreprises d’agir concrètement. Mieux encore, ces contenus viennent tout juste d’être déclinés sur une plateforme intitulée En mode durable, ce qui permet de toucher un public plus familier d’internet ». Parallèlement à ces actions, l’UFIMH est investie de longue date dans un dialogue nourri avec les pouvoirs publics pour faire avancer les dossiers clés -qu’il s’agisse de la loi contre l’ultra mode express ou de faire des propositions pour construire l’affichage environnemental textile qui devrait être déployé dès l’automne 2025. Autant d’engagements qu’elle entend prolonger dans les prochains mois en agissant autour de trois grands axes.
*La promotion d’un affichage environnemental ET social. Après la mise en place de cette première mesure qui vise à rendre compte de l’impact de chaque pièce achetée et répondre ainsi aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat et de la loi Climat et Résilience, l’UFIMH milite activement pour une réglementation plus complète. Celle-ci devrait également intégrer la mesure de l’impact social des produits sur la société. Des études sont en cours et là encore, l’Union travaille avec un pool d’entreprises pour un partage d’expériences et s’appuie sur un cabinet spécialisé.
*Un nouveau cahier des charges pour Refashion, l’éco-organisme de la filière. Créée en 2009, cette société - financée par l’éco-contribution versée par ses adhérents- assure la prévention et la gestion de la fin de vie des textiles d’habillement, de linges de maison et de chaussures mis sur le marché français en soutenant la collecte, le tri, la réparation et le réemploi de ces produits. Par ailleurs, elle accompagne les marques à s’engager dans une démarche d’éco-conception et soutient le développement du recyclage en France. L’action de Refashion s’articule aujourd’hui autour de deux grands axes. D’un côté, la collecte et le tri en vue du réemploi majoritairement porté par les acteurs de l’économie sociale et solidaire alors même que le secteur connaît aujourd’hui de graves difficultés liées à l’explosion des volumes qui partent essentiellement à l’exportation dans les pays d’Afrique. Face à la concurrence chinoise qui a baissé les prix, les collecteurs ne peuvent plus exporter et se trouvent contraints de fermer les points de collecte. Il est donc urgent de se tourner vers d’autres alternatives. « Pour l’UFIMH, la solution passe par la construction d’une filière industrielle de recyclage en France, assure Adeline Dargent. L’Union est alignée avec les autres fédérations professionnelles impliquées sur le sujet et travaille avec le Comité Stratégique de Filière Mode et Luxe pour devenir une force de proposition incontournable sur le sujet ».
*Une stratégie de sensibilisation des TPE et PME sur le sujet de la décarbonation. `
Engagée de longue date sur la question, l’UFIMH accompagne des entreprises pour accélérer la transition. « Les récentes études menées par l’association Paris Good Fashion montrent que les segments du luxe et premium sont plutôt bons élèves en la matière mais il faut aller plus loin dans la prise de conscience et convaincre certaines entreprises qui n’ont pas encore réalisé leur bilan carbone, point de départ obligé à toute construction d’une trajectoire de décarbonation, précise Adeline Dargent. Le travail consiste à les inciter à sauter le pas, en rappelant que l’UFIMH et ses fédérations membres mettent à leur disposition une subvention de 5000 euros pour le financement de tout projet, de décarbonation mais aussi d’autres sujets RSE ».
Pour aller plus loin : https://www.enmodedurable.fr/
3 questions à … Julien Tuffery, Président de Atelier Tuffery
« Nous défendons une production locale, 100% cévenole »
Créé en 1892 à Florac, l’atelier Tuffery a été l’un des premiers producteurs de jeans en France. Après une longue période de déclin, il a retrouvé un nouveau souffle sous la direction de Julien & Myriam Tuffery qui conjuguent éthique et modernité avec des collections de jeans, pulls et manteaux aussi durables que désirables…
Vous êtes la quatrième génération de la famille à la tête de cette manufacture. Pouvez-vous nous rappeler les grandes dates de son histoire ?
Tout a commencé ans les années 1890. Mon aïeul Célestin Tuffery, maître tailleur, cherchait à répondre aux demandes des ouvriers affluant dans la région pour construire le chemin de fer qui allait traverser les Cévennes. Il a alors acheté à Nîmes une toile relativement simple teintée en indigo et commencé à fabriquer des sur-pantalons très fonctionnels dans ce tissu économique, facile d’entretien et ultra- robuste. C’est ainsi qu’est né, en 1892, l’un des premiers jeans français. Son fils a repris l’entreprise à la fin des années 1930. Entretemps, l’atelier de Florac avait acquis une vraie notoriété mais c’est dans les années 60-70 que l’entreprise est passée à la vitesse supérieure, avec une quarantaine de couturières qui produisaient plus de 500 jeans par jour. Hélas, ce développement a été stoppé dans les années 90 avec la délocalisation de la production textile française au Maghreb et en Asie. En 2000, la manufacture ne comptait plus que 3 salariés, elle était condamnée à disparaitre alors qu’elle possédait encore un vrai savoir-faire. En dépit de sa vétusté apparente, cette entreprise présentait à mes yeux une modernité évidente, en termes d’enjeux de mode et de production responsable. En 2015, j’ai décidé avec mon épouse Myriam de reprendre l’entreprise. Nous avons tous deux choisi d’abandonner nos carrières d’ingénieurs pour relever le défi.
Quelles innovations avez-vous apportées et quelles collections proposez-vous aujourd’hui ?
Nous voulions à la fois préserver les savoir-faire, les transmettre et restructurer l’entreprise en y infusant des techniques modernes, de commercialisation, de communication et de digitalisation.
Nous sommes la quatrième génération de la famille, des passeurs de temps et c’est dans cet esprit que nous avons pensé une démarche à long terme, en plaçant l’humain au centre.
Nous avons repensé la manière de fabriquer en instaurant une grande polyvalence et d’agilité dans la production. Nous sommes tous les deux des passionnés du Made in France, nous défendons la production locale et une consommation plus raisonnée mais on savait que pour réussir, il fallait avant tout des collections désirables. Aujourd’hui, nous vendons en ligne des jeans mais aussi des chemises, des vestes, des pulls et des manteaux, le tout fabriqué dans les coupes les plus contemporaines et avec des matières premières d’exception : laine de Lozère, coton des Vosges, chanvre d’Occitanie et délavage réalisé dans la Sarthe. Notre mantra ? Trouver au plus près les meilleures qualités.
Vous venez de fêter les 10 ans de ce renouveau. Quel bilan faites-vous et comment pensez-vous les prochaines années ?
Nous sommes fiers de dire que nous avons atteint notre principal objectif : sauvegarder, transmettre et donner un avenir au patrimoine de la marque. Nous avons renoué avec la croissance et faisons travailler une quarantaine de salariés, une équipe extraordinaire par sa motivation et son envie d’avancer. Nous avons investi dans de nouveaux locaux imaginés par la designer Matali Crasset. Elle venait en vacances dans les Cévennes, nous sommes devenus amis et elle a accepté de redessiner nos deux bâtiments à l’aide de matériaux locaux. Notre objectif est de poursuivre ce développement mais aussi d’initier des projets qui nous tiennent à cœur : sensibiliser les jeunes de la région aux métiers du textile, proposer des ateliers éphémères à des artisans de toutes disciplines…
Autre projet un peu fou… Proposer à notre communauté d’acheter une brebis Mérinos pour 450 euros afin d’enrichir notre troupeau (150 têtes) que nous avons constitué au début de l’année. Cela est déjà un vrai succès puisqu’en quelques jours, quelque 300 brebis ont été adoptées. La laine de nos bêtes a été tondue en avril puis tissée dans notre filiale située dans le Tarn. Elle permettra de produire nos pulls et nos manteaux avec un fil de plus grande qualité encore, très doux et très fin. Et surtout de poursuivre notre ambition de relocalisation avec des matières premières 100 % made in Cévennes.
Découvrez Atelier Tuffery: https://www.ateliertuffery.com/


Grand entretien : Lionel Guérin et Pierre-François Le Louët, co-presidents de l’UFIMH.
« Le vote de cette loi est le fruit de cinq années d’engagement de toutes nos fédérations. »
Un an après l’Assemblée nationale, le sénat a voté le 10 juin une proposition de loi pour freiner l’essor de la mode « ultra express », incarnée notamment par la plateforme chinoise SHEIN.
Avec Lionel Guérin et Pierre-François Le Louët, le point sur les enjeux de la législation, ce qu’il reste encore à obtenir et le rôle clé de l’UFIMH et de ses fédérations dans cette lutte. `
Quelles avancées offre cette nouvelle législation ?
LG. Nous nous félicitons tout d’abord du vote de cette loi que nous avons attendue très longtemps, plus d’un an après son adoption par l'Assemblée nationale. Par ailleurs, nous avons noté avec satisfaction l’intérêt des sénateurs pour le sujet, ce qui montre une réelle prise de conscience de l’impact de la mode ultra express sur la désertification des centres-villes. Pour le reste, la loi permet de mettre en place une panoplie d’outils efficaces pour lutter contre l’essor de ces plateformes de mode « ultra-express ». Celles-ci devront sensibiliser à l’impact environnemental de leurs vêtements et s’acquitter « d’éco-contributions », avec un principe de bonus-malus et une pénalité qui pourra atteindre 10 euros par article en 2030. Elles seront interdites de publicité avec un volet de sanctions pour les influenceurs qui voudraient en faire la promotion; elles devront aussi payer une taxe instaurée sur les petits colis livrés par des entreprises hors de l’union européenne, comprise entre 2 et 4 euros. Cette taxation permettra de dégager les moyens nécessaires pour faire respecter la loi, sachant que les plateformes, très habiles et très réactives, chercheront sans aucun doute à la contourner. La potentielle collaboration entre la DGCCRF et la CNIL pour lutter contre les potentielles infractions est un atout. Le fait de disposer de deux organismes avec des capacités de sanctions autonomes qui peuvent être mises en place sans passer par des tribunaux, permettra une application plus efficace de la législation.
La présentation de cette loi devant le Sénat était une étape clé. Quelles sont les suivantes ?
PFLL. Cette loi doit désormais être notifiée à la Commission européenne pour attester de sa conformité aux droits européens. Elle devra ensuite passer devant une commission mixte paritaire, composée de sept sénateurs et de sept députés, qui devront se mettre définitivement d'accord sur le texte. Ce sont donc autant de risques de le voir modifié. L'Europe peut proposer des recommandations d'optimisation ; le Conseil constitutionnel français peut décider que certaines mesures, non constitutionnelles, doivent être remaniées. Et enfin, la volonté des députés n'étant pas exactement la même que celle des sénateurs, la commission mixte paritaire risque aussi de faire évoluer le texte.
Revenons sur le passage de cette loi devant la Commission européenne. N’est-ce pas une occasion d'accélérer une prise de conscience globale ?
LG. Ce n'est pas le but premier mais il s’agit en effet d’un vote très important. Il montre notamment le rôle pionnier de la France qui deviendra ainsi le premier pays à légiférer contre la mode ultra express. De plus, nous pouvons espérer que cette législation donne une nouvelle impulsion au développement d'une politique européenne, et pourquoi pas mondiale, de lutte contre ces acteurs.
Cette loi constitue une avancée majeure mais elle ne suffit pas. Quelles sont les prochaines étapes ?
LG. Nous allons agir pour la fin de l'exonération des droits de douane pour les colis expédiés hors Union européenne et d’une valeur inférieure à 150 €. Nous serons pour cela soutenus par la Confédération européenne du Textile et de l’Habillement, Euratex, dont nous sommes membres et qui défend les intérêts du textile et de l'habillement au niveau européen. Euratex siège à Bruxelles et entend faire pression sur la Commission afin que celle-ci parvienne à un accord entre les différents Etats. Dans le même temps, il sera nécessaire de mettre en place une surveillance efficace de l’évolution des pratiques de ces opérateurs, qui ne manqueront pas d’organiser la riposte.
Comment l’UFIMH participe à cette lutte ?
PFLL. Nous oeuvrons depuis plus de cinq ans sur le sujet. Nous avons joué un rôle de lanceur d'alerte en portant le débat sur la scène publique grâce notamment à Yann Rivoallan -vice-président de l’UFIMH et président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin- qui a multiplié les interventions à la télévision, dans la presse et sur les réseaux sociaux. Nous avons également fait entendre notre voix auprès du gouvernement, des parlementaires, députés et sénateurs avec lesquels nous sommes entrés en contact. Nous devons cette première victoire à la mobilisation de tous, y compris des organisations amies de l’UFIMH : la Fédération Nationale de l'Habillement, France Industries Créatives, le Comité Stratégique de Filière Mode et Luxe, le MEDEF…. Elles ont été extrêmement actives pour porter une position commune.
L'UFIMH a été très active pour la promulgation de cette loi mais elle va plus loin, militant pour un autre modèle qui valorise la qualité des produits et des savoir-faire…
PFLL. Face à l’essor de l’ultra-fast fashion, nous travaillons concrètement à valoriser une mode durable et de qualité, Made in France ou Made in Europe. Nous allons poursuivre nos actions de sensibilisation auprès du grand public afin de rappeler que la consommation est aujourd'hui un acte politique. Nous avons tous le pouvoir d’agir de façon vertueuse, en optant pour des produits locaux et de qualité, qui préservent nos emplois et sont fabriqués dans le respect des personnes et de l’environnement. Les consommateurs ont bien sûr la liberté d'acheter ce qu’ils souhaitent mais ils doivent disposer de toutes les informations qui leur permettent de faire un choix éclairé, c’est la raison pour laquelle nous soutenons l’affichage environnemental des produits de mode et incitons toutes les entreprises qui le peuvent à obtenir le label Entreprise du Patrimoine Vivant. Nos entreprises doivent avoir la possibilité de développer un modèle économique qui assure à la fois leur pérennité et leur responsabilité sociale et environnementale.
Label Entreprise du Patrimoine Vivant
« 20 ans au service de l’excellence française »
Fabricants de boutons, gantiers…Ces métiers semblaient appartenir au passé. Préservés grâce au label EPV, la plupart ont retrouvé une nouvelle jeunesse.
Ils sont désormais pleinement intégrés à la création contemporaine et travaillent avec toutes sortes de maisons, y compris dans l’univers du luxe.
Retour sur les enjeux d’un label aussi prestigieux qu’efficace.
Trois lettres sur fond rouge… Le label est tout simple, il est pourtant l’objet d’une immense fierté pour toutes les entreprises qui l’affichent dans leur atelier -preuve irréfutable d’un savoir-faire d’excellence. Né en 2005 à l’initiative du ministère de l’économie et des finances, le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) a été imaginé pour distinguer les entreprises françaises artisanales et industrielles aux savoir-faire rares et d’exception. « L’objectif était alors très ambitieux, explique Tristan de Witte, président du label EPV. Il s’agissait d’assurer la pérennité de ces entreprises mais aussi leur donner les moyens de leur renouveau ; les aider à préserver leurs savoir- faire historiques tout en misant sur l’innovation.
L’opportunité d’une reconnaissance nationale et internationale.
Réunissant le meilleur du Made in France, ces entreprises sont désormais 1300 environ et se répartissent entre les univers des arts de la table, de la gastronomie, de l’industrie, de la décoration, de l’architecture, de la beauté, de la mode et des maisons de luxe -ce dernier secteur représentant près de 20% de l’activité des EPV. Toutes sont détentrices d’un patrimoine séculaire, ancré dans un territoire et souvent transmis de génération en génération, au sein d’entreprises restées familiales. Techniques rares et secrètes, production d’exception… Les critères d’obtention de ce label d’état (décerné par les préfectures en région) sont très exigeants, avec des experts missionnés pour visiter les sites de production et évaluer la politique de développement de l’entreprise. « Sur les quelque 300 dossiers de candidatures reçus chaque année, moins d’une centaine décroche (ou renouvelle) cette récompense attribuée pour cinq années, explique Tristan de Witte. Cette distinction prestigieuse offre des atouts très concrets : une reconnaissance nationale et internationale ainsi qu’un crédit d’impôt allant jusqu’à 30 000 euros par an ».
Une manière de faire converger création et fabrication de haute façon ».
Ce coup de pouce suffit souvent à donner un nouvel élan à ces entreprises qui, peu à peu, reviennent dans la lumière, plébiscitées par un public de plus en plus attiré par des produits de qualité et made in France, ce qui soutient le dynamisme de nos territoires. Succès incontestable, le label EPV fête aujourd’hui ses 20 ans avec de multiples projets. Désormais structuré en une fédération nationale (Réseau excellence EPV) qui réunit 12 associations régionales, le label EPV travaille à tisser des liens avec les différentes organisations pour développer des projets communs. » Notre objectif pour demain ? Agir collectivement pour être plus efficace, faire rayonner le label en France comme à l’étranger, précise Tristan de Witte. Nous agissons, par exemple, pour faire de nos membres EPV des entreprises de référence pour le réaménagement des ambassades françaises à l’étranger. Nous avons également entamé une importante réflexion avec le Mobilier National/ Les Gobelins pour valoriser davantage nos savoir-faire d’exception, notamment en participant au Salone del Mobile de Milan, rendez-vous international incontournable du secteur de la décoration et du mobilier. Autant d’actions destinées à faire rayonner le label EPV en faisant converger création et fabrication de haute façon ».
« 20 jours pour célébrer 20 ans !»,
Le label EPV fête son anniversaire jusqu’au 3 juillet avec des rencontres, des événements…
*Des journées portes ouvertes (grand public, scolaires, professionnels…) sont organisées par certaines entreprises qui proposent à l’occasion une visite de leurs ateliers mais aussi des démonstrations, des ateliers participatifs…
*Des rencontres économiques à destination des entreprises EPV seront organisées le 3 juillet 2025 au ministère de l’économie et des finances.
*Une soirée de clôture des "20 ans du label EPV", à destination des entreprises labellisées et des membres du GPEX, en présence de la Ministre, se déroulera le 3 juillet à Bercy, après les rencontres économiques.
Pour en savoir plus: https://www.entreprises.gouv.fr/20-ans-du-label-entreprise-du-patrimoine-vivant
3 questions à … Dominique GRUSON, Gérant de la société nouvelle Janvier-Gruson-Prat
« Notre société allie deux siècles de patrimoine et d’innovation »
Née en 1840, l’entreprise Janvier-Gruson-Prat, incarne un savoir-faire exceptionnel dans la fabrication de boutons et autres accessoires en métal.
Labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant, elle a su s’adapter aux attentes du marché tout en préservant son héritage artisanal, comme l’explique son gérant depuis 2012, Dominique Gruson.
Pouvez-vous tout d’abord nous présenter votre entreprise ?
Cette maison, née il y a près de deux siècles, s’est toujours consacrée à la même activité – la fabrication d’estampes, de boutons et accessoires en métal. Elle a connu son âge d’or dans les années 1980, employant plus de 100 artisans dans son usine après le rachat d’une trentaine de sociétés. Notre maison a alors pris le nom qu’elle porte aujourd’hui encore -Janvier-Gruson-Prat- et s’est consacrée essentiellement à la fabrication de boutons portés sur les uniformes de l’armée française, de la police nationale, de la gendarmerie et des grandes écoles militaires. La maison fabriquait aussi des estampes, ces pièces destinées à produire une empreinte utilisée ensuite pour le dessin de nos pièces mais aussi en bijouterie ou pour la décoration. Les archives de la maison en réunissent près de 120 000, un patrimoine unique.
Quel est aujourd’hui votre marché et comment vous adaptez-vous pour répondre aux attentes de vos clients ?
La maison compte une quinzaine de salariés dans notre usine de Savigny-le-Temple qui conserve précieusement notre savoir-faire, ce qui nous a permis de décrocher le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). Les étapes de fabrication, qui réclament une grande minutie, sont toujours les mêmes : frapper à froid un flan en cuivre sur une matrice en acier trempé, détourer la pièce de cuivre aux bonnes dimensions, frapper à froid pour faire remonter la gravure et, enfin, ajourer la pièce pour découvrir le dessin initial sans casser le métal. Nous travaillons aujourd’hui pour des maisons de luxe et de décoration. Nous gravons des boutons pour les maisons de mode, notamment pour les défilés de haute-couture. Les opéras de Paris, Berlin ou Helsinki font appel à nous pour la création de leurs accessoires ou les décorations de leurs costumes. Si nos savoir-faire sont restés les mêmes, les dessins des pièces sont désormais conçus par ordinateur et nous avons intégré des normes strictes en matière de RSE, en produisant notamment des pièces sans plomb ni nickel et en recyclant les chutes de cuivre et des produits issus de la galvanoplastie.
Vous êtes aujourd’hui le représentant de la septième génération aux commandes de cette entreprise. Comment pensez-vous la transmission ?
Nous sommes très soucieux de la transmission de nos savoir-faire et proposons des formations au sein de notre atelier, afin de préserver une fabrication de haut-niveau. Par ailleurs, mes deux enfants ont rejoint la société et pensent l’avenir de la maison, qui passe par la préservation de notre patrimoine mais aussi l’adaptation aux nouvelles normes et aux nouveaux désirs de nos clients, ce qui passe par une plus grande intégration de la numérisation.
En savoir plus : www.artmetal-framex.com

L’entretien du mois : Yann Rivoallan, président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin.
« Face à l’ultra fast fashion, la France et l’Europe doivent organiser la riposte »
A quelques semaines du vote au Sénat de la loi visant à lutter contre l’ultra fast fashion, Yann Rivoallan nous rappelle l’urgence à agir face au développement de ces plateformes de vente qui bouleversent nos marchés et font encourir un risque majeur aux entreprises françaises du secteur.
L’Ultra fast fashion est une tendance de plus en plus massive. Pouvez-vous nous décrypter le phénomène ?
Il est essentiellement porté par les marques Shein, née en 2014 et Temu, apparue sur le marché en 2022. Ces deux plateformes fonctionnent de façon très semblable. Elles proposent à (très) bas prix des produits de qualité médiocre -le plus souvent des copies ou des contrefaçons- le tout avec un système de vente extrèmement agressif… Des promotions en compte à rebours pour créer un sentiment d’urgence, un paiement en un clic pour favoriser l’achat d’impulsion et surtout, une production exponentielle.
A-t-on des chiffres pour témoigner de ces niveaux de production ?
Absolument. Shein propose quotidiennement 10 000 nouvelles références, produites chacune à plus de 100 exemplaires, ce qui fait au minimum un million de pièces fabriquées par jour. Son marketing agressif incite à une surconsommation qui se révèle particulièrement dangereuse pour ceux qui tombent dans leurs pièges à promotion. Par ailleurs, ces plateformes constituent une catastrophe en termes écologique et social. Shein émettrait 16,7 millions de tonnes métriques de dioxyde de carbone par an. Tout comme Temu, la marque ne respecterait pas les droits sociaux, obligerait ses salariés à travailler 75h par semaine pour un salaire d’un euro par vêtement fabriqué. Et pourtant… Le résultat est un développement exponentiel de ces plateformes : les ventes de Shein ont atteint 38 milliards de dollars en 2024, celles de Temu 54 milliards de dollars. Et les Français ont dépensé 4,8 milliards d’euros chez Shein et Temu selon l’agence Circana en 2024.
Les conséquences sont particulièrement délétères pour le secteur de l’habillement en France et en Europe. Quelles sont-elles exactement ?
L’Ultra fast fashion fragilise incontestablement le secteur en créant une concurrence totalement déloyale. Dans ce contexte, de nombreuses entreprises sont aujourd’hui en difficulté en France, dans les boutiques comme dans le domaine de l’e-commerce. Il suffit d’observer l’actualité récente pour prendre la mesure de la situation. La marque C&A a annoncé la fermeture prochaine de ses magasins en province et l’enseigne Kaporal est en liquidation depuis le mois dernier, ce qui entraîne la destruction de quelque 300 emplois. De plus, la situation risque d’empirer rapidement avec l’augmentation des droits de douane américains qui va inciter les marques chinoises à se recentrer sur l’Europe, considérée comme un marché refuge. Ces plateformes sont dangereuses car elles saturent nos marchés. De plus, leur politique de contrefaçon met à mal l’image de la créativité et de l’identité des marques. Face à cela, plusieurs maisons réagissent et intentent des procès en contrefaçon mais il est très difficile de lutter face à l’avalanche de lancements de produits, sans cesse renouvelés.
Une loi anti fast fashion doit être prochainement votée au Sénat. Quels sont ses enjeux ?
Une première version, présentée le 14 mars dernier à l’Assemblée nationale, proposait notamment de stopper la publicité de ces plateformes, de créer des malus pour les produits vendus par ces plateformes (5 euros) et de reverser ces sommes sous forme de bonus aux marques françaises, sur la base de l’affichage environnemental. La proposition qui sera présentée au Sénat est moins ambitieuse mais potentiellement plus en phase avec le droit européen. Les places de marché (du type amazon) ne seront pas concernées par la loi, le sujet des micro-fibres ne sera pas pris en compte et il est possible que l’interdiction de la publicité soit également retoquée, toujours pour un problème de conformité avec le droit européen. Cette loi aura tout de même le mérite d’exister, et de créer une harmonisation au niveau européen. Dans le contexte, il faut qu’elle soit votée au plus vite et que nous mettions également en place des barrières douanières qui n’existent pas encore. Aujourd’hui les produits importés de moins de 150 euros ne s’acquittent pas de la TVA.
Et peut-on espérer de sa mise en œuvre ?
La question est importante car une loi ne vaut que si ses applications sont mises en place rapidement et de façon efficace. Tout est une question de moyens humains et financiers. Pour cela, il faudra sans aucun doute réinvestir dans des services de douanes plus puissants et plus technologiques. Nous devons nous réinventer de manière aussi courageuse que réactive pour répondre à cette question. Comment nous protéger, pour mieux créer et mieux commercer…
www.pretaporter.com
Déchets textiles industriels : une autre manne pour l’économie circulaire !
Chaque année, des milliers de tonnes de déchets textiles industriels sont produits en France. Mode Grand Ouest se penche sur les possibilités de recyclage de ces matières pouvant intéresser d’autres marchés que la mode.
Si le sujet du recyclage des vêtements invendus ou usagés fait l’objet d’une forte médiatisation, celui des déchets textiles industriels est en revanche peu connu.
Et pourtant, il mérite de l’être. D’abord pour des raisons réglementaires. Depuis le 1er janvier 2025, l’enfouissement de bennes contenant plus de 30 % de déchets textiles n’est en effet plus autorisé. Une règle qui ne vaut pas pour le cuir.
Ensuite, parce que ces déchets ne manquent pas d’atouts dans une optique d’économie circulaire. “On maîtrise parfaitement leur traçabilité. Il s’agit de matières nobles, neuves et dont les propriétés mécaniques sont supérieures à celles de vêtements usagés, liste Clément Gourlaouen, chargé de mission recyclage à Mode Grand Ouest (MGO). Et ce qui coûte très cher lors du recyclage, ce sont les deux premières étapes : le tri et le délissage, soit l’enlèvement des points durs (boutons, fermetures…). Or, elles ne sont pas nécessaires pour les déchets industriels textiles. On démarre ainsi avec un grand avantage compétitif par rapport à l’utilisation de vêtements usagés pour le recyclage”.
2,4% des déchets textiles
Selon une étude de l’ADEME, réalisée en septembre 2023, les chutes de production représentent en France 2,4% des déchets textiles, soit environ 40 000 tonnes annuelles.
Une donnée d’ensemble qu’il s’agissait de ventiler localement, a jugé Mode Grand Ouest, réseau professionnel réunissant 120 adhérents, essentiellement des confectionneurs de l’habillement et de la maroquinerie mais aussi de quelques textiliens et fournisseurs de la filière. Les Pays de la Loire est la région française où on compte le plus de confectionneurs. “Or, l’habillement, avec l’étape de la coupe, est l’industrie qui génère le plus de chutes de déchets textiles. D’où la pertinence de faire des actions dans l’Ouest”, indique Clément Gourlaouen.
En commençant par la réalisation d’une étude. “Nous sommes partis du principe que nous aurons du mal à trouver de bonnes voies de valorisation, si on ne connaît pas bien nos gisements, souligne le chargé de mission. C’est un préalable d’avoir une vue globale des enjeux afin de pouvoir trouver des voies de valorisation pertinentes. Or, en France, il existe quelques données nationales mais aucune au niveau local”.
D’où le chantier collaboratif lancé fin 2022 dans le Grand Ouest, avec en premier lieu, l’élaboration d’une cartographie quantifiant les gisements des déchets textiles, en collaboration avec les CCI des Pays de la Loire et de Bretagne.
57 entreprises sondées sur leurs déchets textiles
57 entreprises, employant 4775 salariés, en majorité adhérentes de MGO, sont ainsi interrogées, à la fois sur la quantité de leurs déchets et leurs destinations. Des confectionneurs ou assimilés, spécialistes des vêtements de luxe ou professionnels, quelques marques de prêt-à-porter constituent la majorité, les autres étant des entreprises de cuir (maroquinerie, sellerie, ameublement, etc). L’échantillon est “suffisamment important pour être représentatif de la région et avoir une première étude de reconnaissance du gisement, même s’il pourra être affiné par la suite”, souligne Clément Gourlaouen.
Les résultats sont instructifs. Quelques milliers de tonnes de déchets, à la fois textiles et cuir, sont détectés. Ils sont principalement orientés vers l’enfouissement (42% des répondants) ou l’incinération/CSR (Combustible Solide de Récupération) (31,6%). L’enquête a en effet été réalisée alors que l’enfouissement de bennes contenant plus de 30% de déchets textiles était encore autorisé. Enfin, un nombre non négligeable (21%) des entreprises ne savent pas précisément ce que deviennent leurs déchets…
Autre élément mis en lumière par le sondage : la grande hétérogénéité des gisements. Les déchets de trois quarts des répondants comportent plusieurs matières en mélange, très variables, selon les collections, les années, les tendances…
Trouver des solutions de recyclage
Cela justifie largement l’objectif que se fixe Mode Grand Ouest : s’occuper de ces gisements qui, aujourd’hui “n’ont pas de solution de recyclage, ces déchets industriels étant trop petits, trop mélangés ou trop fluctuants pour être réemployés ou intéresser un recycleur”. La structure se lance alors dans un deuxième chantier, mené par Mod’Innov, son Cluster Innovation. Celui-ci démarre avec une dizaine d’entreprises (bureaux d’études, confectionneurs…) représentatives de la diversité des gisements.
Une cinquantaine de leurs matières, mélangées et représentatives de la diversité du gisement, sont retenues pour le projet. MGO les envoie au centre européen des non tissés (Cent), une antenne de l’IFTH. Mission : faire des essais de recyclage de ces déchets en non tissés…“Il s’agissait de lever des freins techniques, car ce n’était pas trop l’usage de faire des non tissés avec des mélanges, précise Clément Gourlaouen. Il y avait aussi des matières, trop épaisses ou trop fines, comme les dentelles, les broderies ou les matières contrecollées, réputées ne pas pouvoir être recyclées. Or, ces essais ont permis de voir que c’était possible de le faire”.
Ces non tissés obtenus sont ensuite testés sur plusieurs marchés, par exemple ceux de l’isolation thermique ou acoustique, du prêt-à-porter (garnissage de doudoune, par exemple) ou des accessoires (tote bags, sacoches d’ordinateur…).
Une recherche réglementaire indispensable
Mais cette première phase débouche sur la nécessité d’une deuxième phase, celle d’une recherche réglementaire. “Il s’agissait de repérer quels étaient les débouchés possibles pour des matières recyclées sous forme de mélanges dans des non tissés et dont on ne connaît pas, du coup, la composition. Dans certains secteurs comme l’automobile ou l’habillement, il est en effet difficile d’utiliser de telles matières. Mais ce n’est pas le cas pour des isolants acoustiques ou des accessoires de voyage, par exemple”.
Une fois ce travail fait, MGO est passée à la phase trois. Soit la réalisation d’essais de performance (pour le caractère isolant par exemple), des matériaux non tissés développés. “Ces tests ayant démarré fin 2023, il est encore trop tôt pour des conclusions”, confie Clément Gourlaouen.
Parallèlement, MGO continue de chercher des débouchés et partenaires. “Nous n’avons pas vocation à créer une usine. L’idéal serait que ces travaux puissent servir à un industriel déjà existant ou à des porteurs de projets pour valoriser ces matériaux recyclés”, souligne le responsable.
Des freins au recyclage
Des partenaires qui seraient les bienvenus alors que Clément Gourlaouen n’élude pas les freins qui compliquent le travail ambitieux mené par MGO. A commencer par le fait que l’organisation professionnelle ne bénéficie pas du soutien de l’éco-organisme Refashion, qui supervise la fin de vie des produits de la filière habillement, linge de maison et chaussures. “Celui-ci ne s’occupe que des matières mises sur le marché. Alors que les chutes de production industrielles ont pourtant les mêmes débouchés et les mêmes voies de revalorisation”, regrette le chargé de mission.
Et d’autres cailloux se logent aussi dans les chaussures des initiateurs du projet…
De nature juridique notamment. Dans le grand Ouest, où l’activité de confection est essentiellement destinée au luxe, les déchets textiles appartiennent dans trois quarts des cas aux donneurs d’ordre. “Mais si certaines Maisons de luxe ont leur propre circuit de collecte pour les déchets, ce n’est pas toujours le cas. C’est alors au sous-traitant de les gérer, avec les contraintes de stockage que cela pose”. Autre difficulté, particulièrement répandue dans le luxe : le fait que les matières soient très reconnaissables, notamment siglées par des logos.
Certes, le sujet mobilise les entreprises, comme le montre le sondage initial sur leurs déchets industriels, réalisé par MGO auprès de 57 d’entre elles. 94,8% souhaitaient connaître les résultats de l’étude dont 40,4% se disaient même volontaires pour rejoindre un groupe de travail sur le sujet !
Des acteurs du recyclage en nombre insuffisant
Si l’intérêt est manifeste, côté producteurs de déchets, “les acteurs du recyclage en France manquent à l’appel, et ce, d’autant plus dans le grand Ouest”. Facteur aggravant : ceux qui existent ne sont guère adaptés aux spécificités des déchets textiles industriels, avec des matières très mélangées…
D’où l’importance pour les industriels de l’habillement -qui ne pourront pas utiliser toutes leurs chutes recyclées et faire de la boucle fermée - Clément Gourlaouen en est persuadé, de “créer des liens avec d’autres secteurs, comme l’automobile ou le bâtiment qui seront utilisateurs de ces déchets recyclés pour pouvoir faire des projets d’envergure”.
Retrouvez ici les articles publiés par La Maison du Savoir-faire et de la Création.
maisondusavoirfaire.com
3 Questions à… Charlotte Dereux
A la tête de la marque Patine qu’elle a créée voilà huit ans, Charlotte Dereux propose un vestiaire cool et durable qui mêle nostalgie des années 80 et solide engagement écologique. Le détail de son parcours, et de ses projets alors que la marque est en levée de fonds sur la plateforme éthique LITA.co
En 2017, vous avez concrétisé votre rêve, créer votre propre marque de mode. Quelle philosophie portez-vous avec ce label ?
La mode est une passion depuis toujours et j’ai osé franchir le pas après 10 ans dans une entreprise. J’ai alors commencé à penser ma marque mais j’ai vite découvert que la mode, telle qu’elle était produite le plus souvent, n’était pas compatible avec mes valeurs. Patine est née de ce constat et de la volonté de concevoir, fabriquer et distribuer des vêtements de façon éthique et durable. Pour cela, je m’inspire beaucoup de l’univers de la food, pionnier dans la transition écologique. Je pense mes collections comme la carte courte d’un restaurant avec des pièces signature dont on connait le créateur, l’origine des matières premières et les lieux de fabrication. L’univers de la femme représente 90% de notre production (denim, maille, etc) avec quelques essentiels -le jean Breda en coton régénératif, la chemise Tony en toile tissée de la Maison Charlieu. Nous n’avons pas de rythme de collection et travaillons autour d’un catalogue de 80 modèles par an, dont certains sont réédités via des déclinaisons de couleur ou de tissu. Nous proposons une pièce plus ambitieuse par semestre, lancée en pré commande auprès de notre communauté (un manteau pour la rentrée). Les créations s’inscrivent dans une « mode à reporter », avec des matières belles et durables et des vêtements singuliers qui ont une histoire et auxquels on s’attache.
Les années 80 sont importantes dans l’ADN de Patine. Qu’est-ce qui vous séduit dans cette époque ?
Il ne s’agit pas de nostalgie, mais du désir de s’inspirer d’une époque qui, à mes yeux, infusait une joie, une énergie, une vraie envie de futur. Mon vestiaire en transpose de nombreux codes : des couleurs primaires, des formes géométriques, des emmanchures déportées. Nos modèles ont une attitude, un mouvement qui incarne l’esprit d’une femme qui bouge et essaie de changer le monde, en mieux. Mais il n’y a rien de littéral, je transpose ces inspirations dans l’époque, notamment avec des matières premières innovantes et vertueuses. Nous collaborons, par exemple avec la maison Pyratex en Espagne qui produit du micro tencel, une matière technique à partir de cellulose de bois qui remplace le polyamide.
Patine est certifiée BCorp et Entreprise à Mission. Présentez-nous ces labels dans les grandes lignes…
Une « Entreprise à mission » doit inventer un nouveau modèle de marque qui rende possible un désir de mode vertueux sur le plan humain et environnemental. Chez Patine, tout est organisé autour de ce cap. Nous privilégions les précommandes pour lutter contre les invendus, nous ne recourrons pas aux soldes car nous vendons au juste prix... Nous cherchons aussi à faire et faire savoir, afin d’inciter nos clientes à évoluer. Tout aussi exigeant, le label BCorp obéit aux commandements de l’Onu autour du développement durable. Pour s’y conformer, nous produisons en Europe (Portugal, Espagne, Italie, France), nous prenons en compte nos émissions directes et indirectes (et celles de nos partenaires) pour réduire notre bilan carbone. Nous travaillons la question des transports et livrons en point relais, plus vertueux qu’à domicile…
Notre modèle est exigeant mais il fonctionne. Patine est fière de sa croissance, +38% l’année dernière, ce qui nous donne envie d’aller plus loin, notamment de penser un développement européen grâce à notre levée de fonds ouverte aux particuliers et business angels sur la plateforme LITA.co
Retrouvez les actualités et produits de la marque sur le site www.patine.fr